LES PAROLES
Acte
1: Montreuil-sur-Mer - 1823
Quand un jour est passé
Les pauvres>
Quand un jour est passé,Il est passé pour rien.
L'homme est aveugle et sourd aux peines de son prochain.
Nous les pauvres, on sait d'avance, que demain et les jours qui
vont suivre,
Il n'y aura jamais pour nous, qu'une différence: un jour
de moins à vivre!
Quand un jour est passé,
Il est passé sans joie.
Il faut s'en retourner, sous la pluie, dans le froid
Implorer le bourgeois qui t'ignore, bien calfeutré dans
son opulence,
Et qui te jette une pièce et qui s'endort... En ayant bonne
conscience!
REFRAIN> Quand un jour est
passé, un autre jour se lève.
Il faudra bien qu'un jour, le malheur s'mette en grève;
Et qu'un ouragan éclate, et qu'il vienne enfin secouer
le monde
Pour nourrir de sa colère ceux qui ont tant d'arriérés
de misère,
Ceux qui n'ont jamais eu leur part... de bonheur en retard.
Contremaître> Quand un jour est passé,
on a qu'ce qu'on mérite;
Les feignants auront rien à mettre dans la marmite.
Ouvrier 1> Il faut nourrir les marmots
Ouvriers 1 & 2> Qu'on a faits sans toujours les
vouloir.
Ouvrier 2> Mais ça va tant qu'on a un boulot,
Ouvrière 1> Un coup à boire!
Ouvriers> Nous on a cette chance!
Ouvrière 2> As-tu vu la sale gueule que tire
le contremaître?
Et ses mains baladeuses qui vous collent comme la poisse?
Ouvrière 3> C'est la faute à Fantine qui
veut rien lui permettre.
Ouvrière 1> Ben, qu'ça lui plaise ou pas,
va falloir qu'elle y passe!
Ouvrière 4> Le patron, lui, ne sait pas que son
chiourme est toujours en chaleur.
Ouvrière 2> Si Fantine ne fait pas gaffe, Y aura
pas long Qu'il lui arrive un malheur.
REFRAIN> Ouvriers>
Quand un jour est passé,On est plus vieux d'un jour.
Et on gagne juste assez pour pas crier au s'cours.
Avant la soupe et le vin, il faut payer le propriétaire
Et gratter jusqu'à la fin chaque miette de chaqu'sou d'un
salaire,
Dont il ne va rien rester... Quand un jour est passé.
Fille d'usine> Qu'est-ce que tu caches, Ma jolie,
de la sorte?
Alors, Fantine, quelles sont les nouvelles?
...ooh!.. Chère Fantine,Cosette est très malade;
Envoyez quarante francs ou la petite est morte!
Fantine> Rends-moi ma lettre, mêle-toi de tes
affaires.
Toi qui as un mari qui ne te suffit plus.
Occupe-toi de ta vie et laisse-moi la mienne.
Qui êtes-vous pour me faire des leçons de vertu?
Valjean> Séparez-les, je vous l'ordonne, je
ne conduis pas un troupeau,
C'est une usine que je mène... Allons, mesdames, reprenez-vous;
Je suis le maire de cette ville, je ne tolère pas ces querelles;
Je vous charge de ramener l'ordre, et que chacun fasse son travail!
Contremaître> Qui a déclenché cette
pagaille?
Fille d'usine> Moi je n'y
suis pour rien, tout ça c'est bien sa faute.
Elle a une gosse qu'elle cache on imagine pourquoi.
Y a un homme qu'elle doit payer et on devine comment elle s'y
prend,
Pour se faire, n'est-ce pas ma poule, des suppléments!
Monsieur l'maire appréciera...
Fantine> Oui c'est vrai, j'ai une fille, qui n'a que
moi sur terre;
Je l'ai donnée en garde pour pouvoir me placer.
J'envoie tout c'que je gagne oour élever ma Cosette.
Je suis une femme honnête, Monsieur, vous comprenez!
REFRAIN> Ouvrières>
Quand un jour est passé, On n'a que ce qu'on sème;
Et la brebis galeuse contamine le troupeau.
Pendant qu'on trime pour gagner notre pain, Elle se roule dans
les lits des palaces;
Il faut chasser cette catin, ou c'est nous qui perdrons notre
place.
C'est nous qu'on fera payer... À la fin d'la journée
!
Contremaître> J'aurais dû voir ta vraie
nature, la chienne derrière la jeune fille pure,
Bien trop sérieuse pour être honnête... Voila
la vertueuse Fantine,
La sainte nitouche de cette usine pendant que tu bradais tes charmes,
Tu m'achetais avec tes larmes. Tu joues les pucelles en plein
jour
Et la nuit tu vends de l'amour
Fille d'usine> Si t'y es pas passé, t'es
bien le seul en ville!
Ouvriers> Fais-les lui ravaler ses larmes de crocodile
Fille d'usine> Débarrasse-nous d'elle
Ouvriers> Débarrasse-nous d'elle!
Contremaître> Non, ma belle, c'est fini!